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Accent et métrique
à partir du Cours de Louis Havet
mardi 27 novembre 2007
Extraits du Cours élémentaire de métrique grecque et latine de Louis Havet, rédigé par Louis Duvau (4e édition, Paris 1896) :
1.- "En grec, des mots de même forme prosodique, et qui occupent la même place dans les vers, peuvent être accentués sur des syllabes différentes. (...)
Aussi, chez les Grecs, est-il facile de reconnaître que les poètes classiques versifient sans s’inquiéter de l’accent. Ils se contentent de combiner par règles des syllabes longues et des brèves ; les accents se répartissent au hasard". (§483)
Commentaire :
Cette remarque de Louis Havet a le mérite d’être très claire sur l’indépendance du mètre et de l’accent des mots. L’accent, de par sa dominante mélodique, rappelée par exemple par Denys d’Halicarnasse, n’intervient pas en théorie dans la structure quantitative de la syllabe.
Toutefois, on ne saurait réduire un poète à un versificateur, qui ne chercherait qu’à agencer des syllabes, longues ou brèves.
L’accent musical est lié au fonctionnement morpho- et phonologique de la langue. Il est lié à la quantité de la syllabe finale. Il anticipe sur cette finale. Il l’annonce. Dans un système où le rythme introduit une orientation, ascendante ou descendante, à l’intérieur du vers, on ne saurait rester insensible aux syllabes affectées par l’accent dans leur relation à la syllabe finale du mot.
De plus, dans le genre lyrique, la mélodie composée par le musicien se fonde, d’une manière docile ou indocile, sur le phrasé mélodique tracé par les accents de mots.
Dans l’épopée, l’art de l’aède réside en grande partie dans sa manière de phraser, c’est-à-dire dans sa manière de moduler et de lier les pics intonatifs et les syllabes dites atones, à l’intérieur d’un système harmonique que nous ne pouvons malheureusement que supposer.
2.- "Ni Virgile ni Plaute, ni aucun poète latin de bonne époque, dans quelque espèce de vers que ce soit, n’a tenu un compte quelconque de l’accent.
Celui-ci, de lui-même, tend à s’associer aux temps marqués qui tombent sur une pénultième ou une antépénultième. De lui-même encore, il tend à se séparer des temps marqués qui tombent sur une finale." (§487)
Commentaire :
Louis Havet suppose, avec raison selon nous, que la diction métrique des latins est dans un premier temps fondamentalement hellénisante, et qu’elle valorise la dimension quantitative de la langue latine. Que cette langue latine ait pu voir par la suite son accent devenir nettement intensif ne change rien au fait que, dans sa période de formation et de développement, la poésie latine imitée de la grecque a reposé sur les mêmes principes que la poésie grecque.
La tentative de scansion du latin avec usage de l’accent intensif des mots aboutit à un échec : perte de la structure métrique, abandon par conséquent de toute périodicité rythmique. C’est le cas lorsque les Italiens lisent le latin avec l’accent intensif : l’accent déforme la valeur quantitative des syllabes accentuées en les allongeant. C’est aussi le cas lorsque les Grecs lisent les textes anciens en substituant à l’accent mélodique l’accent intensif de la langue moderne.