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Interprétation psychanalytique du mythe d’Œdipe Roi

Tropardy Romain

samedi 10 janvier 2009

Interprétation psychanalytique du mythe d’Œdipe Roi

En rapport au sujet de mon mémoire qui est une conjonction et une différenciation entre psychanalyse et philosophie, « La psychanalyse est elle une philosophie, la philosophie est elle une psychanalyse ? », j’ai profité ici du rapport historique qu’entretient la psychanalyse avec le mythe d’Œdipe, pour en faire une interprétation analytique. On lie souvent l’œdipe à l’amour que l’enfant porte à son parent du sexe opposé, comme le structurant essentiel de la personnalité. Le père, censé faire tiers entre l’enfant et sa mère (vice versa pour la petite fille), permet d’entrer dans ce que l’on appelle une triangulation œdipienne, cette structure permettant au sujet qui la vit d’être pleinement un sujet, soit de supporter le manque, la distance et la tension et de s’apporter satisfaction de manière autonome. Ce qui fait de l’Inceste ce pivot pathologique, moteur de tout déséquilibre pour cause de fusion destructrice. Pivot aussi de la psychanalyse, au moins dans la dimension mythique que l’on a faite de l’histoire de sa création : j’ai voulu m’éloigner des présupposés concernant ce conflit œdipien pour en prendre la mesure dans une interprétation analytique et herméneutique in concreto. Profitant des révolutions analytiques post-freudiennes, régressant du complexe d’Œdipe (5-6 ans) aux confins des conflits narcissiques (1 à 3 ans), la lecture du texte m’amena à faire ce même parcours ontogénétique vers l’archaïque, afin de proposer cette hypothèse, audacieuse sans le vouloir, de la nature narcissique et défaillante de la transmission transgénérationnelle des Labdacides. « Le mythe d’Œdipe n’est pas un mythe œdipien. »

Quel effet est censé produire l’Inceste ? La psychose, l’impossible individuation, la non délimitation du moi et du non-moi, la fusion avec l’objet empêchant tout simplement à un psychisme de se contenir, ne serait-ce qu’en pensées, ou le faisant sous des formes délirantes. Que nous montrent le comportement et l’activité interne d’Œdipe dans le texte ? Il est le Roi et assume cette fonction, la triangulation est intégrée chez lui, sa pensée vigoureuse le montre pleinement sujet. Mais trop peut être, il n’accepte d’être sujet qu’en étant le sujet du monde, le Roi. Il alterne entre porter le poids du monde comme prix d’une faille identitaire et une mégalomanie naturelle de Roi. Oscillant entre manie et dépression, on sent en cette histoire que le problème du palais est celui de la survie d’Œdipe lui-même, on ne suit en fait que les altercations internes d’Œdipe avec lui-même.

Qu’est ce à dire ? Et bien qu’Oedipe est de structure état-limite, que le conflit temporel sous-jacent au mythe est en rapport aux aléas du narcissisme qui fonde une menace pour la survie biologique même. Ce qui définit ce rapport à la violence fondamentale de cette survie est un rapport au meurtre fratricidaire, tandis que l’œdipe est normalement défini quant à lui par le parricide. Voilà deux notions avancées qu’il va me falloir expliciter. Le fratricide est souvent considéré en un rapport au miroir, c’est le meurtre du double, mais du mauvais double, d’un double né à la suite d’un traumatisme qui divisa en deux le sujet dans ce qu’on appelle un clivage. A l’instar des névrosés de guerre, davantage paralysés par l’effroi devant les choses qu’ils s’aperçoivent être capables de faire que par les bruits sourds des bombes alentour. Quel est ce processus créateur du clivage ? C’est lorsque une excitation extérieure prend le sujet en emprise, ce qui fait que le corps est comme possédé par l’autre. La conscience se retrouve comme sans corps, sans délimitation de soi, l’évidement interne de sa libido ne lui ayant laissé, en guise d’intériorité, qu’une violence latente. Le clivage est créé, le sujet devenu objet ne vise qu’à se sentir exister et sujet de nouveau, ce qu’il ne peut faire qu’en soulevant son reste de violence vers le monde, acte du meurtre du double, comme si le monde en retour lui ferait corps. Ce processus de renversement sujet-objet et de retournement de la pulsion en son contraire, marque le signe des défenses les plus archaïques qui soient. Cette violence, dite fondamentale par Jean Bergeret [1], ne concerne pas l’autre, soit un rapport de possession de l’autre, de l’ordre de l’analité pulsionnelle, elle concerne la privation orale existentielle de l’être et de sa survie à soi, de la permanence et de la continuité de soi. En psychanalyse, on distingue la violence de l’agressivité, comme le fratricide du parricide. Le parricide est quant à lui, un acte agressif, qui concerne directement le rapport de possession à l’autre (la mère), et le père est tué comme crime passionnel. La violence est plus archaïque, dans la mesure où le courant de violence est comme désintriqué du courant libidinal. Là où l’agressivité est ce qui relie ces deux courants. Un acte agressif est pris dans un rapport de possession où le sujet ne désespère pas de la perte de l’objet. Tant que l’agressivité l’y relie, ce n’est pas la survie qui inquiète, mais l’objet, entre excitation et frustrations. Voilà une explicitation sommaire de ces deux notions qui fondent la différence que je veux faire entrevoir ici. Vous savez que la plupart des meurtriers dans le réel ne le font pas par perversité comme dans l’imaginaire, ni par crime passionnel, comme tout un chacun s’imagine qu’il pourrait tuer, mais dans ce rapport à la perte de l’écho dans le miroir, à ce double nécessaire à faire contenance et à produire le sentiment qui fait l’humain. Le meurtre du double est un geste froid, sans affects, sans considérations dites « humaines », puisque ce mot n’a plus de sens à cet instant, car l’humain a failli, du fait que sa propre libido l’a abandonné, ainsi que sa capacité à temporaliser les évènements et simplement de penser.

Là où le parricide peut être accompagné de pensées, même si celles-ci deviennent plus ou moins délirantes dans le cadre du crime passionnel, le fratricide est pur passage à l’acte, impensable ou seulement dans la dimension d’après-coup. Le fratricide est un clivage entre pensées et actes, qui n’apparaît pas dans le cadre du parricide.

En resserrant l’étau de l’énigme sur des causes plus archaïques dans la fixation du sens de notre mythe, on comprend déjà pourquoi la mère est sa femme, mais ni l’un ni l’autre ne savent leur vérité filiale biologique, pourquoi le meurtre du père a été commis sans raison apparente, le passage à l’acte ne se discute pas. Il est raisonnablement impossible de croire qu’il a reconnu là un père qu’il ne connaissait pas, mais plutôt qu’en ses yeux il y ait vu une faille qui lui ait rappelé une faille identitaire commune.

De plus, ce n’est pas la biologie qui fait la structure psychologique, ce n’est pas parce que c’est sa mère biologique qu’Œdipe pratique l’inceste, nous savons que la parentalité est davantage symbolique et est aussi surtout le fait de l’éducation réelle. C’est dans le rapport aux fonctions d’éducation que l’interdit peut trouver un sens structurant. Les parents d’Œdipe ne l’ont pas élevé, et il ne sait pas que ce sont ces parents, ce qui cesse la dynamique symbolique de ce qui structure dans le complexe d’Œdipe. Le complexe d’Œdipe est soumis au relativisme culturel et est d’ancrage symbolique. L’important n’est pas que la mère soit interdite, mais qu’un objet, n’importe lequel, le soit, sous peu qu’il marque la présence du tabou. Dans certaines cultures, les bétê de haute volta, c’est l’ami du village qui est interdit, le premier copain de nos 5 ans, la mère n’est pas tabou et les relations sexuelles sont complètes dès 5 ans. D’où l’insistance de la reconnaissance effective de la filiation comme fait symbolique, pour que ce mythe y soit considéré comme œdipien. Ici, la charge du Roi et la douleur imputée par le possible échec du respect de ses obligations marquent la faille de la loi, que l’on nomme le symptôme du père mort. Ainsi, le père mort du mythe y prend son sens non pas comme meurtre, mais comme mort. Le meurtre n’est que secondaire et défensif par rapport à la faille identitaire. Comment le meurtre en lui même prend-il alors son sens ? Œdipe a été abandonné par ses deux parents, voilà le réel du mythe, la place absente du père a fondé la faille identitaire, qui tente de s’incarner secondairement comme loi dans le meurtre du double, moi ou l’autre. Le père est mort avant son meurtre, ce qui montre que l’acte meurtrier en lui-même ne peut être celui du père, mais de sa survie propre, en sentiment de menace pour son intégrité psychique et corporelle. Mais nous allons pousser plus avant encore : quand le père est-il mort ? À l’abandon. Il ne semble pas, du fait que l’abandon a été présenté comme la meilleure solution, car pire encore serait la malédiction familiale présagée.

Le symptôme du père mort, la faille narcissique précède donc logiquement l’abandon, elle est le fait d’une dette transgénérationnelle. Or, on sait que le mythe d’Œdipe est un drame en triptyque, une série en trois volets couvrant chacun justement la vie d’une génération.

Pris ainsi, ce mythe dans l’ensemble est un mythe sur l’héritage et la dette transgénérationnelle, nous présentant le rapport à la tentative de désendettement de ce fantôme de la transmission. Un mythe suit en filigrane une problématique, c’est ce qui fait sens pour son lecteur. Les trois volets du récit parcourent le chemin d’une génération à l’autre, dont on peut dire que le « nom » symbolique est une transmission de flambeau. Or, Lévy-Strauss [2] nous précise la signification des prénoms. Le prénom du grand-père se traduit par le terme de « boiteux », celui du père signifie « gauche », et enfin Œdipe désigne des « pieds gonflés ». Le rapport d’aliénation du nom à la faille narcissique est ici clair. On peut lier le fait d’être gauche ou boiteux comme une situation de non-contrôle, le nom qui montre le rapport au phallus nous enseigne par sa signification le rapport galvaudé et flottant que les Labdacides entretiennent vis-à-vis du phallus. Œdipe qui symbolise le rapport aux pieds « anormaux » indique que le désendettement transgénérationnel est en cours d’élagage, que la dette a diminué, le handicap et l’impuissance s’amenuisent ; de toute la partie inférieure du corps désigné en son rapport au miroir brisé (boiteux), il n’y a plus que les pieds qui en symbolisent l’équivoque. Nous savons que les pieds peuvent représenter la castration, tels les fétichistes qui nous enseigneraient à y voir la source d’excitation suprême. Mais les pieds marquent aussi le relativisme « terrien », c’est le point de jonction entre l’homme et la terre, autant dire la limitation de son pouvoir en sa matérialité, soit le signe de son impuissance. Certes, d’un corps boiteux ou d’une attitude gauche qui semblent marquer le corps entier, seuls les pieds semblent signifier cette faille de la loi au final, signe d’un désendettement en cours. Mais le terme de « pieds gonflés » ne symbolise pas uniquement une partie du corps, c’est aussi le nom d’Œdipe en son entier, il est tout entier Œdipe et représentant de cette impuissance narcissique de par son nom. Ainsi, la dette paraît diminuer de par l’inflexion d’une assignation partielle de la faille au corps, soit le pied, mais dans le même temps, il est le représentant total de toute faille identitaire, de par son nom. Cette position de représentant est d’autant plus contraignante en ses déterminations inconscientes qu’elle est dématérialisée, elle ne se somatise plus in corpore, mais est devenue invisible, une dette spirituelle. L’impuissance est d’origine narcissique, contrairement à la culpabilité qui est d’origine œdipienne. Dès le début du texte, Œdipe ne pose pas le problème autrement et demande à Créon, « quelle est la faute, quelle est l’espèce du malheur ? ».

La faute est du registre d’une conflictualité narcissique, là où le remords ou le regret tirent leur assises de tiraillements œdipiens. Créon répond à cette question en nous affirmant qu’il faut « payer le meurtre par un nouveau meurtre », ce qui confirme ce rapport au tout ou rien, à ce moi ou l’autre de la survie, comme réponse à la réaction d’effroi.

A ceci, Œdipe réplique : « en prenant l’affaire au nom du mort, dans cette justice donc, vous verrez en moi un compagnon d’armes, vengeant cette terre et le Dieu en même temps. Non pour la défense d’alliés lointains, mais moi-même, pour moi, je chasserai cette mienne pollution ». En une phrase, Œdipe résume là tous les éléments. En prenant l’affaire au nom du mort, le nom et le mort sont signifiés, au nom de..., comme s’il avait compris le rapport de dette que le nom lui impose et qui l’aliène en cela au mort. « Vengeant la terre et le Dieu en même temps », la terre signe d’impuissance que nous venons de relever dans le rapport au nom (pieds gonflés), et le dieu place du père défaillant qu’il faudra venger, et pour ainsi dire prendre sa place. La terre rappelle le lien évoqué vis-à-vis de ses pieds, ce qui le renvoie à son nom, au symptôme du père mort dont il est fait le représentant par métaphore, ce pourquoi il doit prendre plus ou moins la place des dieux. Il précise, « non pour la défense d’alliés lointains, mais moi-même, pour moi même, je chasserai cette mienne pollution », c’est un problème qui ne concerne que lui, sa permanence propre et non un rapport à l’objet, comme ce serait le cas dans une problématique œdipienne. Quand on sait de surcroit qu’il est le meurtrier, on comprend d’autant plus que la haine évoquée ici est une haine du soi, celle d’un mauvais double. D’ailleurs, à peu près toutes les craintes, les menaces qui accablent la ville et Œdipe sont renversées par ce dernier qui menace l’auteur du crime de ce qu’il craint pour lui.

Ce renversement perpétuel des menaces, montre le flottement du moi en risque d’annihilation, caractéristique des structures états-limites. Le moi, comme l’objet, est perdu, si bien que l’impossible contenance empêche d’envelopper toute possibilité reproductrice de la parentalité. La violence et l’impossible amour permanent inhibent le désir de sa procréation chez les états-limites, là où les conséquences de l’inceste dérivent vers une relève florissante, mais avec un risque autistique ou schizophrénique. Le rapport à la dérive du phallus dans le lien de transmission et l’impossible procréation semble être ici un indice supplémentaire de problématique narcissique. Œdipe nous dit : « avec quoi se défendre, ni les pousses de la gloire ne croissent, ni les femmes en gésine ne se relèvent pour accoucher. Sans pitié, la descendance est couchée sur le sol, donnant la mort, nul ne les pleure. Terre qui git sans fruits et sans Dieux ».

L’inconscient est aveugle, quand à son contenu ou à sa vigilance attentionnelle, mais c’est celui qui sait. Le conscient, c’est l’a priori, celui qui acte car il ne sait pas ce qui le détermine, ni ce qu’il est. Le clivage fait de l’agir état-limite, le fait d’un indicible court-circuité dans l’acte. Le mythe poursuit cette dialectique de savoir et de non-savoir tout au long de l’avancée vers la vérité, il représente l’évolution interne du clivage d’Œdipe, métaphorisée par les autres protagonistes, ainsi que ses conséquences quant aux modes d’appropriation de cette vérité du mythe de l’origine. Ce « d’où je viens ? » « Qui je suis ? » se coordonne au traumatisme de la naissance, au mythe des origines, qui sont des problématiques narcissiques. Nous avons la démonstration de la dialectique éclairante du sens du mythe en la personne du devin Tirésias, métaphore de l’inconscient d’Œdipe. Tirésias est ce représentant du dire et du savoir, là où Œdipe y est agi. Œdipe nous dit : « L’homme que l’acte ne fait pas trembler n’a pas peur d’une parole » ou encore « tu sais et tu ne parleras pas, si tu possédais la vue, j’aurais même dit que le crime est ton œuvre. » On sait qu’il se parle à lui-même et qu’il a la vue, premier moment d’une révélation préconsciente de la possibilité en lui du crime. On sait surtout qu’Œdipe perd la vue en apprenant la vérité, symbole que l’inconscient est aveugle et qu’il représente celui qui sait. Tirésias lui dit ensuite : « tu es le roi, mais il te faut t’établir dans l’égalité de la contradiction, j’ai une vie d’esclave, mais je ne suis pas à toi ». Autrement dit, il faut que tu me reconnaisses comme partie de toi, comme ton inconscient, tu es autant esclave que maître, soit état-limite. Il précise : « toi les yeux, tu les as, mais tu ne sais ni où tu habites, ni avec qui tu vis,... pas d’arguments pour me confondre, ce que je dois dire, je ne le sais pas ». Ce rappel des limites flottantes continue quand Œdipe dit : « le plaisir, n’est-ce pas que la pensée fait une demeure séparée du mal ». Tout ceci n’est pas sans nous rappeler la célèbre tournure freudienne : « l’homme n’est pas maître en sa demeure » [3]. La métaphore de la demeure est d’ailleurs reprise un peu plus loin par Œdipe à Créon : « Si dans ma propre demeure, il partageait mon foyer, moi le sachant, que je sois frappé moi-même par les imprécations que je viens de lancer contre eux ». S’il y a des lieux dans Œdipe Roi, ce sont des arrière-monde inconscients. J’espère avoir montré le fonctionnement du clivage entre savoir et agir, dans ces quelques tirades triées parmi d’autres dans le dialogue entre Tirésias et Œdipe.

Œdipe se demande ensuite s’il est damné de naissance, rappelant là la problématique abandonnique et narcissique. Ses parents l’ont abandonné, ce qui est un équivalent d’infanticide. Or, la logique d’un infanticide précède logiquement le fratricide, c’est aussi tuer les mauvaises parties de soi, dans le mauvais enfant. Mauvais enfant qui devra lui même se détacher de ces projections parentales négatives par le fratricide, tuer l’autre avant son apparition. Quand Œdipe a tué son père, ce n’était pas de l’agressivité, mais de la défense, il l’a tué dès qu’il est apparu, sans raison apparente, mais pas en tant que son père ; le père, c’est celui qui est présent au quotidien.

S’il reconnaissait son père, il l’insulterait en le tuant, l’acte serait accompagné d’un dire. Ici, c’est la menace pour son intégrité et la reconnaissance de sa faille en l’autre qui lui fait craindre le pire et le fait tuer avant d’être tué. « La violence fait le Roi, la violence, soudain elle s’élance dans le précipice de la nécessité (la question de la survie) où il n’est pas d’usage utile (cela veut dire que l’intérêt n’est pas objectal, pas pour la possession de la mère). Ce n’est donc pas celui qui féconde sa femme qu’Œdipe voit sur ce sentier, mais ce rapport au mauvais double montré en miroir. Jocaste aussi est pris dans une collusion narcissique et non sexuelle, c’est le même lien qui relie Œdipe et sa mère, qu’Oedipe et son père. Le rapport au miroir montre dans les deux cas la faille, ce qui produit des effets différents.

Faille contre faille dans la rencontre avec le père, les deux défaillances s’affrontent et s’autodétruisent. Mais avec la mère, la femme est « prise » comme soutien de la castration, réparation de la faille et soutien de l’image dans le miroir. Au moment de la mort de Jocaste, le terme de double est sans cesse utilisé. De même, jamais on ne voit Œdipe à la recherche de sa femme ou dans un rapport de possession vis-à-vis d’autres rivaux possibles, ou encore dans des angoisses de perte vis-à-vis d’elle, elle n’est considérée que comme complément et auxiliaire du miroir.

Ainsi, l’abandon d’Œdipe, le manque paternel et maternel pendant l’enfance, la dette transgénérationnelle due à la faille de la loi préexistante (dans le nom paternel), sous-tendent le récit. Ainsi, le secret qui couve tout au long du texte pousse ce savoir non conscient à être agi par clivage, et à se conscientiser dialectiquement vers sa reconnaissance.

Romain Tropardy, étudiant en philosophie, Université de Rouen


[1La violence fondamentale, Dunod. 2000

[2Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958

[3Essai de psychanalyse, PBP, 1923

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