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Homère métricien ?
à partir d’une réflexion de Jean Irigoin
mardi 27 novembre 2007
Citation de l’article de J. Irigoin, « Homère et la tradition homérique » (Omero Aristofane Giuliano, per Carlo Ferdinando Russo, ed. Dedalo, Bari 2003)
"La jubilation qu’Homère éprouve à maîtriser l’écriture et qu’il manifeste dans le choix du nombre 24 - celui des lettres de l’alphabet, d’alpha à oméga - pour les chants de l’Iliade et de l’Odyssée, apparaît aussi dans ses vers avec les correspondances de sons associés ou de mots entiers. Homère sait l’existence d’une langue des dieux, au lexique distinct de celui de la langue des hommes. Il se plaît à des reprises de sons, parfois triples ou même quadruples, au sein d’un même vers. Certaines d’entre elles suggèrent des rapprochements étymologiques. Non pas qu’Homère se prenne pour un grammairien, encore moins pour un linguiste. Mais il a le souci d’émerveiller ses auditeurs par des mots rares tout en cherchant à les leur rendre compréhensibles."
Jean Irigoin se livre ici, avec une pointe de provocation, à un exercice qui prend à rebrousse-poil presque toute la modernité homérisante issue de Milman Parry. Homère jouant avec l’écriture ? Le philologue, disparu le 28 janvier 2006, fait preuve d’une grande audace, celle que lui donnait sa grande sagesse, sans doute.
Mais nous voici tout d’un coup fondés à étudier un Homère débarrassé de sa préhistoire, un Homère délivré de sa tradition préhellénique, un Homère maître d’œuvre, agissant dans ses 24 chants avec discernement.
Le texte interpolé, suspect, athétisé déjà par les Alexandrins, disparate pour l’abbé d’Aubignac (ses Conjectures académiques parues en 1715), multiforme pour le généticien Fr. A. Wolf (Prolégomènes à Homère, 1795), redevient l’exemplaire attique de Platon que Pisistrate aurait recueilli des Homérides.
Voilà qui justifiera peut-être que l’on puisse aujourd’hui scander Homère sans conscience malheureuse, et pourquoi pas aussi avec jubilation.