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Antigone de Sophocle, scène Créon-Hémon
mercredi 29 avril 2015
Exemple de texte français composé en trimètres iambiques accentuels.
CHŒUR
Seigneur, il te convient d’apprendre, s’il parle avec
à propos, et toi de lui : c’était deux beaux discours.
CREON
A notre âge, nous, nous devrions apprendre à nous
raisonner auprès d’un homme de son âge à lui ?
HEMON
Mais rien qui ne soit juste. Si je suis jeune, moi,
regarde la valeur, pas le nombre des années.
CREON
La valeur, c’est de respecter l’envie de rébellion ?
HEMON
Je n’invite pas à respecter les malfaiteurs.
CREON
N’est-elle pas frappée d’une telle maladie ?
HEMON
Le peuple unanime de Thèbes ne dit pas cela.
CREON
Le pays va me souffler ce que je dois dicter ?
HEMON
Tu vois, c’est toi qui parles comme un jeune enfant.
CREON
Faut-il qu’un autre que moi commande sur ce sol ?
HEMON
Il n’est pas d’Etat qui soit la chose d’un homme seul.
CREON
L’Etat n’est pas la propriété du plus puissant ?
HEMON
Tu désires commander tout seul sur un sol désert.
CREON
Ce garçon combat pour une femme, me semble-t-il.
HEMON
Si la femme, c’est toi ; car c’est toi celui que je dois servir.
CREON
Misérable, en attaquant ton père dans ce procès ?
HEMON
Je te vois commettre une faute à l’encontre de tout droit.
CREON
Je fais une faute quand j’honore mon pouvoir ?
HEMON
Tu n’honores rien en foulant aux pieds la part des dieux.
CREON
Personnage abject, et qu’une femme assujettit !
HEMON
Prouve-moi que je me suis soumis à l’infamie.
CREON
Tout ton discours ne plaide-t-il pas en sa faveur ?
HEMON
En faveur de toi, de moi, des dieux qui sont en bas.
CREON
Cette fille, tu ne l’épouseras pas de son vivant.
HEMON
Elle mourra donc, et sa mort va faire un autre mort.
CREON
Tu as l’audace de venir me menacer ?!
HEMON
Où est l’audace ? parler à l’encontre de vains discours ?
CREON
Tu vas pleurer : me raisonner en déraisonnant...
HEMON
Tu es fou. A tout autre que mon père je l’aurais dit.
CREON
Esclave d’une femme, arrête de parader.
HEMON
Tu veux parler tout seul, sans réplique à tes propos ?
CREON
Vraiment ? Eh bien, par le grand Olympe sache donc
que tu paieras le prix de cette injure-là.
Qu’on amène la scélérate, afin que sous les yeux
de son fiancé, toute proche, elle meure, dans l’instant !
HEMON
Ah non, devant moi, cela, crois-le, ne sera jamais,
car elle ne mourra pas toute proche, et toi non plus,
tu ne verras jamais plus mon visage de tes yeux,
ainsi tu pourras délirer en compagnie des tiens !
Le texte d’Antigone, traduit par Philippe Brunet, a été publié aux éditions du relief (2009). Il est au répertoire de la compagnie Démodocos depuis 2006.